Pour pratiquer zazen, on adopte la posture avec le dos droit. C’est la posture la plus adéquate pour rester immobile, tranquille, pour pouvoir respirer librement et éviter la dispersion.
Le Bouddha explique : « Quand vous maintenez votre corps droit, votre cœur, votre esprit s’ajustent aisément. Si votre corps se maintient tout droit dans la posture assise, aussitôt votre cœur n’est plus indolent. » Quand on emploie le mot cœur, on englobe l’esprit. Quand le cœur a l’intention juste, la pensée est suspendue et demeure au présent. Si votre cœur se disperse (quand vous partez dans vos pensées), ou si votre corps bouge et s’incline, vous les remettez en place en vous recueillant.
Le zazen est sans objet. Cela signifie que nous ne concentrons pas notre esprit sur quelque chose de particulier, comme une représentation symbolique, et nous ne réfléchissons pas non plus à une quelconque question. De même nous ne cherchons pas à voir nos pensées, ni à les arrêter, ni à atteindre la pureté ou un état spécifique de la conscience. Nous sommes juste assis, le corps faisant de son mieux pour conserver une posture correcte.
Maître Keizan dit : « Pour zazen, laissez de côté toutes affaires et laissez se dissiper toutes associations ». « Laissez se dissiper toutes associations » a la même signification que l’expression « laissez passer les pensées ». Les pensées ont tendance à s’associer à d’autres pensées et cet enchaînement se continue sans cesse. Si on laisse se dissiper ces associations, les pensées peuvent continuer d’apparaître mais elles disparaissent alors d’elles-mêmes sans engendrer d’autres pensées.
Pour ne pas laisser se produire les associations, il ne faut pas prêter attention à la teneur des pensées, il ne faut pas les écouter. Le Bouddha dit : « Écouter les pensées c’est comme rester à côté, à l’extérieur de la porte ». Ne pas écouter nos propres pensées tarit les associations et permet à zazen de s’installer. Ainsi les pensées peuvent apparaître et disparaître sans que nous soyons pris dans leur enchaînement. En cela, le zazen est très simple mais il est également très profond et nous ouvre à une dimension plus vaste de notre vie.
La pratique de zazen s’opère au cœur de ce monde, au cœur de nous-mêmes, en utilisant notre corps qui est l’ustensile avec lequel nous sommes dans ce monde. Mais on ne s’intéresse plus, au moins pendant zazen, à la face mondaine du monde.
Une pratique qui ne répond pas aux critères mondains est une pratique où les distinctions sont abolies : hommes, femmes, jeunes, vieux, classes sociales, tout cela n’a plus cours pendant zazen. Si une personne est fière de sa pratique, de son ancienneté, c’est qu’elle se trompe. Si à l’endroit il y a une distinction, à l’envers il n’y en a plus. C’est cet envers qui n’appartient pas au domaine mondain que l’on creuse.
Cela nécessite des efforts, de la patience, de la constance. Et cette persévérance permet de goûter quelque chose d’infiniment satisfaisant. Cela n’exclut pas de goûter également à ce qui appartient au domaine mondain, mais il ne faut pas se laisser happer, auquel cas nous laissons s’échapper ce qui est essentiel.
Extraits de L'Art du zazen paru aux Éditions Sully
Cet article est paru dans Sagesses Bouddhistes n°10 (Eté 2019)
Pierre Dôkan Crépon a reçu l’ordination de moine de Maître Taisen Deshimaru en 1975 et devient ensuite disciple de Maître Shinzan Egawa, Zenji du temple Sojiji au Japon. Abbé du temple Kokaiji à Vannes, en Bretagne, il est enseignant de l’école Sôtô et a écrit plusieurs ouvrages sur le zen et le bouddhisme.