Par la Communauté de méditation Tergar,
guidée par Yongey Mingyour Rinpoché
Mingyour Rinpoché décrit la souffrance comme étant divisée en deux types : la souffrance « naturelle » et la souffrance « créée par soi-même ». La première est très simple, tandis que la seconde peut s’étendre dans toutes les directions. La souffrance naturelle s’explique d’elle-même : c’est une partie inévitable de la vie dans un corps physique, et pour la comprendre, il suffit de se cogner l’orteil ou d’avoir une crise de calculs biliaires. La souffrance créée par soi-même, en revanche, est l’inquiétude, le jugement et toute autre activité mentale inutile que nous ajoutons à l’équation. Lorsque nous éprouvons ce type de souffrance, nous ne sommes généralement pas conscients du fait que c’est nous qui la générons.
Un simple mal de dents... ou pas
Imaginons, par exemple, que vous ayez une violente rage de dents. Si la souffrance naturelle avait une voix, elle pourrait décrire la situation de la façon suivante : « Aïe. Aïe. Aïe. » À propos de cette même dent douloureuse, la souffrance autocréée pourrait la décrire comme suit : « C’est le pire mal de dents que j’ai jamais eu. Ils vont probablement devoir l’arracher — à grands frais. Pourquoi ma vie est-elle ainsi ? C’est parce que je ne me suis pas fait examiner. Je suis un tel gâchis... et maintenant je vais être un gâchis édenté ! » Les couches supplémentaires d’angoisse que nous générons sont très vivantes et réelles, et elles exagèrent la situation de souffrance naturelle. Nous sommes également tout à fait capables de créer de la souffrance en prévision d’un événement qui ne s’est pas encore produit — ou sans aucune raison, si ce n’est l’idée de quelque chose qui nous semble menaçant (« Si je vais dans cette cave, je risque de voir une araignée ! »). Mais il y a un hic : nous ne sommes pas condamnés à vivre une souffrance que nous créons nous-mêmes. Nous pouvons nous en libérer. Cela ne signifie pas que nous ne connaîtrons jamais la douleur physique, mais que nous ne nous identifierons pas à elle. La douleur sera la douleur, mais pas « ma douleur », pas « moi ».
Can’t get no satisfaction
Les textes bouddhistes classiques ont, bien sûr, beaucoup à dire sur le sujet de la souffrance. Le mot sanskrit dukkha ne se traduit pas très bien dans les langues modernes, mais il est probablement mieux traduit par « insatisfaction ». Dukkha a trois aspects principaux. Le premier est la souffrance du changement — les inévitables hauts et bas de la santé et de la maladie, les louanges et les reproches, la richesse et la pauvreté, etc. Nous souffrons du changement lorsque nous nous accrochons à ce dont nous croyons avoir besoin ou que nous croyons vouloir, et que nous ne sommes pas prêts à accepter ce qui se passe réellement. Deuxièmement, il y a le concept de « souffrance de la souffrance », qui s’apparente à la souffrance naturelle dont parle Rinpotché : en vertu du fait que nous vivons dans un corps, nous allons rencontrer la douleur, le vieillissement, la maladie et finalement, bien sûr, la mort. Enfin, il y a la « souffrance omniprésente ». Ce terme décrit l’anxiété ambiante générale qui se cache à l’arrière-plan de nos expériences même lorsque nous nous y attendons depuis longtemps, comme dans la vieille chanson de Peggy Lee, « Is That All There Is ? ». Elle est là parce qu’au fond de nous, nous avons peur que la vie ne soit pas stable, et que notre existence même soit ambiguë. D’un point de vue bouddhiste, il y a d’excellentes raisons de nourrir de tels doutes, et les explorer est un chemin vers la sagesse et la libération.
En fin de compte, la source de toutes les souffrances non naturelles dont nous faisons l’expérience — c’est-à-dire la plupart de nos souffrances — réside dans nos opinions bien ancrées mais erronées sur la façon dont les choses sont. On pourrait appeler cela « l’ignorance primordiale ». Pour nous libérer de la souffrance qui nous poursuit, nous devons être capables de déraciner ces perceptions fausses ou erronées. Et heureusement, la méditation nous donne tous les outils nécessaires pour y parvenir.
Cet article est paru dans Sagesses Bouddhistes n°23 (Automne 2022)
Traduction : Sagesses Bouddhistes Le Mag
Pour en savoir plus : https://joy.tergar.org/ (en anglais)
Né en 1975 dans les régions himalayennes à la frontière du Tibet et du Népal, Yongey Mingyour Rinpoché a été attiré par la vie contemplative depuis son plus jeune âge. Ayant suivi un vaste entraînement dans les traditions méditatives et philosophiques du bouddhisme tibétain, il s’est depuis toujours intéressé aux sciences occidentales et à la psychologie. Mingyour Rinpotché enseigne dans le monde entier, avec des centres sur quatre continents. La singularité de ses enseignements vient du fait qu’il associe expérience personnelle et recherches scientifiques modernes, reliant l’une et les autres à la pratique de la méditation.