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Méditer, ça sert à rien... mais chut !

Le billet de Kankyo



Mardi soir, 18 h 15. Le groupe est au complet, nous allons pouvoir commencer la séance de méditation pour débutants. Le public est aussi divers que les raisons de venir :

– Deux dames cherchant une activité pour remplacer le yoga car « l’horaire a changé, et nous, on préfère un sport un peu plus tôt ».

– Des étudiants stressés à l’approche des examens : « Il faut qu’on se détende, y’a trop d’enjeux et les profs nous mettent la pression. »

– Un monsieur d’une cinquantaine d’années : « Le bouddhisme, je connais bien, je vais souvent en vacances en Thaïlande et puis j’ai lu Matthieu Ricard. »

– Une femme silencieuse et plutôt effacée, le visage triste.

– Des jeunes, lycéens sans doute, qui ont un exposé à faire sur les religions en Alsace.

– Deux sportifs de haut niveau en basket voulant développer leur concentration.

– ... et une poignée de curieux attirés par la mode du mindfullness.


Le challenge donc pour ce soir : montrer la voie millénaire, transcendante et illimitée de l’Honoré du Monde à des personnes venues dans l’ensemble pour simplement « se sentir mieux ». Sacré défi ! J’appellerais bien Shariputra à la rescousse.


Bon, c’est parti ! Je me lance avec l’idée suivante : osciller en permanence entre le relatif et l’absolu, entre la carotte (la méditation, c’est le must) et le réel (la méditation, ça ne sert à rien, arrêtez de vouloir quelque chose). Une sorte de gymnastique complètement insatisfaisante mais nécessaire, avec pour seul but l’envie que les personnes reviennent une deuxième fois. L’exercice est périlleux : trop doux, la séance ressemble à une relaxation, trop « strong » on en perd les 3/4 en cours de route.

Alors je souffle le chaud et le froid.

Le froid : « Vous allez enfin pouvoir vous asseoir face à vous-même (si on peut dire...). C’est difficile, il vous faudra du courage. Vous devrez en plus rester complètement immobiles assez longtemps, quelles que soient les douleurs physiques ou les émotions rencontrées. Pour permettre à votre esprit de s’apaiser (si l’on peut dire...). »

Le chaud : « Mais à la fin, avec un peu de pratique (beaucoup en fait, mais... chut !), vous trouverez une joie profonde et une très grande sérénité. »

Et des encouragements : « C’est difficile, bravo ! La méditation, vous savez, c’est un peu comme le Voyage du Héros : des épreuves à traverser, la confrontation avec ses propres limites et puis, à la fin, vous terrassez le dragon et sauvez votre village ! »

= Le grand jeu, chaque mardi, en espérant que quelque chose passera au-delà des mots.


À la fin de la séance, certains s’enfuient le plus vite possible (eh oui !), d’autres restent (longtemps) pour poser des questions. La plupart ont déjà les traits reposés et le visage plus doux. Ceux qui reviendront trouveront des trésors : une route longue, éprouvante, mais aussi chaleureuse avec toute une sangha pour la faire avec eux. À mardi prochain !



Cet article est paru dans Sagesses Bouddhistes n°1 (Hiver 2016)


 


Kankyo Tannier est nonne de la tradition zen Sôtô et auteur du blog www.dailyzen.fr. Elle pratique depuis quinze ans dans un monastère en Alsace.


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