Par Ajahn Jayasaro
Le 14 décembre 2021
Dans le samsara, il y a toujours un prix à payer.
Plus nous sommes avides d’excitation, plus nous craignons l’ennui.
Plus nous aimons le prestige et la renommée, plus nous nous sentons blessés et offensés lorsque nous sommes dévalorisés ou ignorés.
Plus nous aimons recevoir des compliments, plus nous avons du mal à supporter la critique.
Plus nous sommes obsédés par notre apparence physique, plus nous sommes insatisfaits du moindre défaut, et plus notre cœur devient superficiel.
Plus nous cherchons à contrôler les gens et les situations, plus nous nous sentons en insécurité.
Plus nous sommes insatiables, moins nous nous réjouissons de ce que nous avons déjà.
Plus nous nous plaçons au centre de l’univers, plus nous nous sentons seuls.
Le samsara est quelque chose que nous nous faisons à nous-mêmes. Nous n’y sommes pas contraints.
Le 15 janvier 2022
L’une des caractéristiques des grands maîtres est leur capacité à expliquer les sujets les plus profonds dans un langage simple qui ne trahit en rien leur signification profonde. Ajahn Chah utilisait souvent les objets ordinaires qui l’entouraient pour enseigner le Dhamma. Ce faisant, il le démystifiait. Il montrait comment les idées les plus transformatrices sont rarement complexes intellectuellement. Si elles semblent difficiles, c’est parce qu’elles s’opposent à nos habitudes et à nos attachements.
Expliquant comment le désir déforme la perception, il prenait un objet proche et disait : « Si tu veux qu’il soit long, il a l’air trop court ; si tu veux qu’il soit court, il a l’air trop long. »
En parlant de l’attitude à adopter face à la nature transitoire conditionnée de tout ce que nous aimons, il montrait le verre d’eau à côté de lui : « Tu dois voir que ce verre est déjà cassé. »
En riant de la façon dont nous rejetons notre souffrance sur d’autres personnes ou situations, il montrait son sac de moine. C’est comme si, disait-il, vous aviez un sac rempli d’excréments et que vous vous promeniez, sac sur l’épaule, en vous plaignant de la mauvaise odeur partout où vous allez.
Le 16 janvier 2022 marque le 30e anniversaire du décès d’Ajahn Chah.
Le 21 décembre 2021
Une vieille blague. Deux amis, Jay et Joe, sont assis dans un avion à quatre moteurs lorsque celui-ci est secoué par une explosion dans l’une des ailes. Presque immédiatement ils entendent la voix rassurante du pilote dans l’intercom. Elle dit qu’un des moteurs est maintenant hors service. Il n’y a pas lieu de s’inquiéter mais malheureusement, cela signifie que leur arrivée sera retardée d’une heure environ. Quelques minutes plus tard, il y a une deuxième explosion et une deuxième annonce d’apaisement avec une nouvelle heure d’arrivée. Peu de temps après, il y a une troisième explosion et une troisième annonce. Jay, inquiet, se tourne vers Joe : « J’espère qu’il n’y aura pas d’autres explosions ou on atterrira très tard. »
En soi, l’explosion du quatrième moteur ne serait pas différente de celle des trois précédents. Mais le résultat serait très différent.
Grâce à la méditation, nous nous éveillons à la réalité des choses. Nous voyons que cette vie, ce monde dans lequel nous vivons, fonctionne avec le seul quatrième moteur.
Nous ne pouvons rien considérer comme acquis.Nous entendons parfois dire que nous devrions lâcher prise du passé, lâcher prise de l’avenir et nous établir dans le moment présent. En fait, nous n’avons pas le choix en la matière. Le moment présent est tout ce que nous avons jamais eu et aurons jamais.
Au cours de nos longues errances dans le samsara[2], le moment présent a été la seule constante. Dans notre expérience directe, le passé n’est qu’un souvenir qui surgit et disparaît dans le moment présent et le futur, une pensée qui surgit à l’instant présent. Notre tâche en tant que méditants n’est donc pas tant de nous défaire de nos attachements au passé et au futur que de nos attachements à la mémoire et à l’imagination.
La pensée et la mémoire font partie de la nature et jouent un rôle indispensable dans la vie et l’apprentissage. Mais il est facile de s’y engluer. La pratique du Dhamma[3] met l’accent sur la connaissance de la mémoire en tant que mémoire, de la pensée en tant que pensée, comme elles se produisent. Nous apprenons à voir l’espace qui les entoure, dans lequel elles surgissent et disparaissent. En agissant ainsi, nous pouvons devenir le maître de la mémoire et de la pensée, plutôt que leur jouet.
Le 22 janvier 2022
La peur de la perte nous paralyse. Cela nous fait nous cramponner aux choses et aux gens que nous aimons. Cela nous rend anxieux. Cela nous met en colère contre tout ou quiconque nous menace d’une perte. À une époque de changement rapide, la peur, l’anxiété et la colère provoquées par la perspective d’une perte se sont propagées dans le monde comme des virus. Les enseignements du Bouddha mettent l’accent sur l’observation et l’étude de la nature du changement. Plus nous comprenons en profondeur comment les choses apparaissent et disparaissent selon des causes et des conditions, plus nous devenons conscients des limites de ce qui peut être contrôlé et moins nous souffrons. Plus important encore, plus nous regardons attentivement nos esprits, plus il devient clair que celui qui fait l’expérience, celui qui est menacé de perte, est introuvable. Ce n’est pas que celui qui fait l’expérience doive apprendre à lâcher prise, ce qu’il lui faut c’est pénétrer une vérité profonde : il n’y a, en effet, pas d’expérimentateur, seulement l’idée erronée qu’il y en a un.
Le 7 décembre 2021
En méditation, nous apprenons à faire quelque chose qui semble tellement simple, si simple en fait que la plupart de gens pensent qu’ils le font déjà.
Mais en réalité presque personne ne le fait et ne pas le faire ou même ne pas voir les raisons pour lesquelles quelqu’un voudrait le faire est à la racine de la souffrance humaine.
L’habileté dont je parle est celle d’éprouver les sensations physiques comme des sensations physiques, les ressentis comme des ressentis et les états mentaux comme des états mentaux.
Ne pas voir ses expériences de cette manière est la caractéristique principale de l’esprit qui n’est pas éveillé. Il les voit à travers le filtre de « moi » et de « mien ». Le progrès sur la voie peut justement être mesuré par le degré d’affaiblissement de ce sens de « moi » et « mien ».
En méditation, une fois l’esprit rendu stable et libre d’empêchements, les sensations physiques, les ressentis et les états mentaux se dévoilent dépouillés de toute identification et de tout attachement. Nous les voyons tels quels.
Je vous prie d’observer ceci et de vous le rappeler. C’est un aperçu, un entraînement pour l’éveil.
Cet article est paru dans Sagesses Bouddhistes n°21 (Printemps 2022).
Les enseignements des feuilles jaunes sont de courts textes manuscrits, traduits par un groupe de volontaires et diffusés sur les réseaux sociaux : www.ajahnjayasaro.fr
Ajahn Jayasaro est ordonné bhikkhu en 1980, avec le vénérable Ajahn Chah comme précepteur. Il vit actuellement dans un ermitage au pied des montagnes de Khao Yai, non loin de Bangkok, en Thaïlande. Il est également une figure clé du mouvement visant à intégrer les principes bouddhistes de développement dans le système éducatif thaïlandais. Nombre de ses conférences sur le Dhamma sont diffusées à la radio, à la télévision et sur les médias numériques.