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Photo du rédacteurSagesses Bouddhistes

Les 4 principes de la pratique parentale

Dernière mise à jour : 9 mai


L’enseignement qui suit a été donné par Jack Kornfield pendant plus d’une heure le 20 juillet 1998 à Woodacre au centre Spirit Rock, fondé en 1987, et s’adresse à une communauté de pratiquants.

La transcription initiale est un texte deux fois plus long que celui qui vous est présenté. Nous avons, avec l’accord de Jack Kornfield, établit une réduction en laissant de côté les descriptions qui avaient davantage trait à la culture et la société américaines ainsi que, à notre grand regret, quelques parenthèses incisives et histoires magnifiques racontées par l’enseignant.

Il a été enregistré et mis en ligne sur https://dharmaseed.org (en anglais) et adapté par la rédaction du magazine.


©Michal Vrba

Je souhaite revenir sur un thème que j’aborde périodiquement et qui est lié à la question de l’attachement : il s’agit du Dharma, de la base spirituelle de la parentalité. Personnellement, je constate que mon rôle de parent change. Je me souviens du temps où je tenais ma fille Caroline dans mes bras – j’ai l’impression que c’était hier – et que je lui apprenais le nom des objets : « voici une pomme, voici une poire, voici un arbre »… Alors qu’aujourd’hui, nos conversations portent plutôt sur l’âge auquel elle pourra passer le permis de conduite accompagnée et quelle voiture elle pourra utiliser. Et même si vous n’êtes pas (encore !) parents, cet enseignement vous concerne aussi, dans la mesure où nous sommes tous et toutes responsables de la prochaine génération.


Être parent apporte joie et souffrance. C’est ainsi. C’est à la fois merveilleux et difficile. La société actuelle me semble d’ailleurs confrontée à une crise de la parentalité. On voit parfois des choses assez terribles quand par exemple, au supermarché, un parent frappe son enfant parce que ce dernier a fait tomber un produit d’un rayon. « Regarde ce que tu as fait. Ne t’avise pas de recommencer ! » Le bambin ne comprend pas ce qu’il a fait de mal, et pour cause : les fabricants dépensent des millions en marketing pour rendre leurs produits attrayants, et lorsque les enfants réagissent à cela, nous les punissons ! Dans les jardins publics, où l’on peut observer les interactions parent-enfant, c’est parfois inspirant, et parfois c’est plutôt effrayant. Ce n’est pas que les parents n’aiment pas profondément leurs enfants, et le propos n’est pas non plus de générer de la culpabilité : il s’agit en fait d’inconscience, d’ignorance. Papa, maman sont fatigués : trois enfants à nourrir, pas assez d’argent, un emploi abrutissant, des heures dans le métro bondé, des problèmes de couple, etc. On n’a plus de patience, plus d’énergie pour les enfants. Et personne ne s’ouvre sur le sujet. J’ai parfois l’impression qu’il est moins tabou de parler de notre vie sexuelle ou de notre salaire que de l’éducation de nos enfants. Les opinions et les conditionnements sont extrêmement difficiles à changer, sans compter la culpabilité, la peur, la souffrance, le doute... Il est stupéfiant de voir que, bien souvent, nous reproduisons automatiquement les gestes et les paroles de nos propres parents, jusqu’à ce que nous prenions conscience qu’il existe d’autres façons de faire. Ce n’est pas facile. C’est en cela que la parentalité ressemble à la pratique de la méditation. J’y reviendrai plus loin.


Un jour, alors que je donnais une conférence, il y avait une jeune maman qui tenait un bambin dans ses bras. Le petit hurlait, se débattait, il était en furie. La salle était bondée. Puis, une femme plus âgée est intervenue. Elle a dit : « J’ai eu quatre enfants, et je ne suis sûrement pas la seule à avoir déjà eu envie de les balancer par la fenêtre ! » Les gens se sont mis à rire, car ils savaient très bien de quoi elle parlait ! Cela a détendu l’atmosphère.


« La parentalité est une œuvre d’amour. C’est la voie du bodhisattva. (…) Être parent demande renoncement, don de soi, patience, compréhension, sacrifice, créativité… C’est aussi une occasion de se reconnecter au mystère, à quelque chose de beau en nous, quelque chose qui est là, dans l’esprit de l’enfant. »


© Olivier Adam

Il est ardu d’élever des enfants sans un village, une communauté. Sans les grands-parents, les aînés, qui sont au bureau, à l’usine ou dans une autre ville... Sans un oncle pour prendre la relève lorsque les parents n’en peuvent plus, lorsque leur adolescent doit apprendre à devenir membre de la communauté. Notre culture où tout va si vite a évacué ces pratiques, ces histoires, ces rapports plus instinctifs. Résultat : en Amérique, depuis 25 ans, c’est dans les livres qu’on apprend à élever nos enfants. « Donnez-leur le biberon toutes les quatre heures… » C’est ridicule. Toutes les cultures dignes de ce nom savent que si un bébé pleure, c’est qu’il y a une raison, et qu’il faut simplement s’occuper de lui…


La parentalité est une œuvre d’amour. C’est la voie du bodhisattva. En fait, parfois, la voie du bodhisattva est la seule qui nous donne le courage de continuer ! Être parent demande renoncement, don de soi, patience, compréhension, sacrifice, créativité… C’est aussi une occasion de se reconnecter au mystère, à quelque chose de beau en nous, quelque chose qui est là, dans l’esprit de l’enfant.


L’adolescence, vous vous souvenez ? Cette tempête d’hormones, d’embarras, d’amour, de soif de connexion… Qui suis-je ? Qui sont les autres ? Quelle est ma place ? Ces questions nous habitent toujours. Elles font partie du mystère de la vie. Il est facile de voir que nos rapports avec nos enfants sont en soi une pratique spirituelle. Dans l’enseignement du Bouddha sur la pleine conscience, le Maha Satipatthana Sutta, le Bouddha nous dit que pour réaliser l’éveil, nous devons porter notre attention sur l’inspiration, l’expiration, la façon de se tenir debout, de plier les bras, d’avancer, de reculer, de manger, de goûter, d’uriner, de déféquer, de s’asseoir, de dormir. Nous devons voir lorsque notre esprit est habité par les tensions, la peur, la colère, et lorsqu’il en est libre ; lorsque notre esprit, ou notre cœur, est aimant, serein et sage. Voilà le genre d’instructions qu’il faut garder à l’esprit si nous voulons développer l’amour bienveillant, la compassion, l’empathie. Mais si le Bouddha devait donner le même enseignement à des parents – ce qu’il a fait –, il le formulerait peut-être ainsi : portez la même attention à votre corps qu’à celui de vos enfants, alors qu’ils s’asseyent, se lèvent, bougent, mangent, font pipi ou caca dans leur couche. De la même façon que vous méditez parfois toute la nuit, vous demeurez toute la nuit auprès de votre enfant malade. Il peut arriver que vous vous leviez en pleine méditation et que vous vous disiez : ça suffit, je suis fatigué, l’Illumination ? On verra plus tard ! Là je vais me coucher. Mais quand votre enfant est malade, vous restez à son chevet toute la nuit. Il est votre meilleur enseignant, en quelque sorte. De la même manière que vous apprenez à apporter de la tendresse et de l’amour bienveillant à vos peurs et à vos difficultés en méditation, vous pouvez apporter le même amour, la même compassion à un enfant qui souffre.

Le propos, c’est qu’être parent est une pratique pour notre éveil. Pas le leur. Ils nous offrent l’enseignement idéal sur la patience, le renoncement, et comment lâcher prise, encore et encore, parce qu’ils changent plus vite qu’on ne le souhaite. On est toujours un peu à la traîne. Ils sont prêts à foncer, et nous sommes encore en train de tergiverser… Et c’est une façon de cultiver le jardin de la prochaine génération pour laisser cette terre un peu plus belle et meilleure.



Les principes de la pratique de la parentalité

Voyons quels sont les principes de la parentalité consciente. Vous verrez qu’ils s’appliquent tout aussi bien à nos enfants qu’à nous-mêmes. Si vous ne vivez pas avec des enfants, si vous n’en avez pas dans votre entourage, ils peuvent s’appliquer à l’enfant intérieur, celui qui est blotti en chacun de nous.


Le premier principe est l’écoute, c’est-à-dire une attention consciente, une attention à la Voie, aux choses telles qu’elles sont, à l’intuition, aux instincts auxquels nous pouvons faire confiance, à ce profond savoir du cœur…

Si un tout-petit est irritable, qu’essaie-t-il de vous dire ? Vous vous mettez en état d’écoute. A-t-il faim ? A-t-il peur ? Est-il fatigué ? Les adultes ne sont pas différents. Lorsque votre partenaire est irritable, vous savez que c’est parce qu’elle a faim, qu’elle est fatiguée, stressée. C’est la même chose. Vous vous mettez à l’écoute.

À l’époque de la guerre du Vietnam, une enfant de cinq ans, qui voyait toutes ces images à la télé, a commencé à faire des cauchemars et, effrayée, a demandé à son père : « Papa, pourquoi est-ce que ces gens font la guerre ? » Le père tentait de trouver la bonne réponse : « Eh bien, c’est parce que leur pays est coupé en deux, et certaines personnes veulent ceci, et d’autres veulent cela, alors on leur envoie des troupes... » Il s’efforçait de trouver les mots pour expliquer la situation. Mais l’enfant continuait de faire des cauchemars et d’avoir peur. Puis un jour, son père a vraiment écouté ce que son enfant essayait de lui dire : « Papa, pourquoi est-ce que tous ces gens font la guerre ? » Et il a finalement compris la question. Il a répondu : « Ne t’inquiète pas. Ces choses se passent très loin d’ici. La guerre ne viendra pas dans notre pays. Et nous faisons tout ce que nous pouvons pour arrêter la guerre. Mais ne t’en fais pas, la guerre ne viendra pas jusqu’ici. » C’est cela que l’enfant avait besoin d’entendre.

Nous offrons la même qualité d’écoute à nos enfants plus âgés. Nous écoutons leur gêne, leur embarras, leur enthousiasme lorsqu’ils se découvrent une nouvelle capacité, les situations qu’ils appréhendent, les jours où tout va mal, comme cela arrive parfois dans la vie des écoliers. Et ainsi, nous pouvons comprendre leurs besoins. Nous pouvons réagir soit en exacerbant leurs difficultés, soit en leur montrant que nous les comprenons.

Il n’y a pas de règle fixe. L’attention que nous leur portons nous permet de sentir le rythme de leur vie, tout comme lorsque nous observons le rythme de l’inspiration et de l’expiration dans notre corps. C’est ainsi que nous pouvons comprendre que ce que nos enfants veulent, c’est grandir, s’épanouir. Nous apprenons à faire confiance à leur être, à leur résilience. C’est remarquable.


©Juliane Liebermann

D’une certaine façon, notre culture a peur de la dépendance. Peggy O’Mara, l’éditrice du magazine Mothering[1], l’une de mes revues préférées, s’intéresse à la racine des maux de la société dans le contexte de la parentalité. Elle dit : « Il existe un biais culturel d’aversion envers la dépendance, envers toute émotion ou tout comportement associé à la faiblesse. L’exemple le plus tragique de ce biais est la façon dont nous poussons nos enfants au-delà de leurs limites en voulant contrôler les phases de leur développement. La norme extérieure devient plus importante que leur expérience intérieure. Par exemple, nous leur imposons un sevrage à un certain âge, plutôt que de faire confiance à leur rythme naturel. Nous insistons pour qu’ils finissent leur assiette, plutôt que de comprendre qu’ils mangeront à leur faim si des repas nourrissants leur sont servis régulièrement. Nous décidons à quel moment ils doivent apprendre à utiliser les toilettes, au lieu de se caler sur leur propre rythme. »

« Il est dans la nature de l’enfant d’être dépendant, et il est dans la nature de la dépendance d’être transcendée. La dépendance, l’insécurité et la faiblesse sont des états naturels de l’enfance. Ces états se manifestent aussi à d’autres moments de la vie, mais pour les enfants, surtout les tout-petits, ils prédominent, avant d’être dépassés. Nous rampons avant de marcher, nous babillons avant de parler, nous passons de la puberté à la sexualité. Les êtres humains vont de la faiblesse à la force, de l’incertitude à la maîtrise. Si nous esquivons les étapes qui précèdent la maîtrise et que nous enseignons à nos enfants à se méfier de leurs faiblesses, nous leur traçons un parcours qui sera semé de conflits internes, car ils s’appuieront sur des normes extérieures pour juger leurs expériences intérieures. En vouloir à la dépendance parce qu’elle n’est pas l’indépendance équivaut à en vouloir à l’hiver parce qu’il n’est pas le printemps. La dépendance mène à l’indépendance, à son propre rythme. »


« Vous n’avez pas à être un parent parfait, heureusement pour vous – et pour vos enfants ! Il s’agit d’apprendre à vous faire confiance, à faire confiance à vos enfants, à la vie elle-même. »

Nous savons qu’il en va ainsi pour nos enfants, tout comme il en va ainsi pour notre pratique de la méditation ou pour la façon dont nous nous entraidons. Nous ne sommes pas indépendants. C’est un mythe. Nous sommes interdépendants. Nous dépendons les uns des autres.


Par cette écoute, cette connexion qui nous permet de voir ce qu’il y a à faire en fonction de la situation, de ce qui émerge – une peur, un sentiment de beauté… – nous pouvons devenir ce que l’analyste britannique Donald Winnicott appelle un parent « suffisamment bon ». Vous n’avez pas à être un parent parfait, heureusement pour vous – et pour vos enfants ! Il s’agit d’apprendre à vous faire confiance, à faire confiance à vos enfants, à la vie elle-même.


Le second principe de la parentalité consciente dans notre pratique spirituelle est le respect. Enseigner le respect envers les autres, envers notre corps, nos sentiments, notre imagination, envers notre vie... Les enfants sont peut-être limités dans leurs actions, mais leur esprit ne connaît pas de limites. Le respect est important. Respecter l’enfant, c’est aussi parfois établir des balises, devoir dire « non ». Savons-nous respecter notre propre corps, nos propres sentiments ? Est-ce bien de toucher, de pleurer, d’être triste, d’être en colère ? C’est cela que nous transmettons à nos enfants.


Une famille est attablée à un restaurant. La serveuse demande à l’enfant, qui a huit ans environ, ce qu’il souhaite manger. L’enfant répond : « Un hot dog et un Coca, s’il vous plaît. » La mère réplique : « Non, il prendra le pain de viande, les carottes et la purée. » La serveuse prend les commandes des autres convives, puis se tourne de nouveau vers l’enfant et lui demande : « Prendras-tu du ketchup ou de la moutarde avec ton hot dog ? » « De la moutarde, s’il vous plaît. » Les adultes, déconcertés, se jettent des regards. Et le petit garçon leur dit : « Vous savez quoi ? Elle a vu que j’existe, pour de vrai. » Vos enfants, vos collègues, votre amoureux, vos plantes, tous ont besoin de respect pour s’épanouir. Tout le monde aime être respecté. Si on n’a pas été respecté, il se peut qu’on ait besoin de thérapie pour établir un lien profond avec une personne, simplement pour apprendre à nous respecter nous-mêmes.


Le troisième principe est l’intégrité. Les enfants apprennent principalement par l’exemple ; qui l’on est, ce que l’on fait importe plus que ce que l’on dit. Ils sont d’excellents observateurs et remarqueront tout de suite s’il y a un décalage entre nos paroles et nos actions. Qu’est-ce que nous communiquons ? Comment nous comportons-nous au volant, comment traitons-nous les autres ? Comment nous occupons-nous de notre corps, de nos émotions ?


Nous n’enseignons que ce que nous sommes : tranquilles ou impatients, agités ou indulgents devant les difficultés… Un jour, quelqu’un a demandé à Kalou Rimpoché, un vieux lama tibétain tout ridé et magnifique : « À quel âge devrais-je initier mes enfants à la méditation ? » Il a répondu : « Ne faites pas cela. S’ils en viennent à méditer un jour, ce sera de leur plein gré. Pas besoin de leur enseigner la méditation. Concentrez-vous sur votre propre pratique. »


« Il nous faut ralentir et accorder du temps à nos enfants. Souvent, nous croyons être trop occupés… La pression sociale nous persuade qu’il faut travailler plus, produire plus. Ne succombez pas à cette pression. Pas aux dépens de vos enfants. »

Si un enfant vit entouré de critiques, il apprendra à juger les autres. S’il baigne dans l’hostilité, il apprendra à se battre. S’il est entouré de mépris, il apprendra la timidité. S’il vit dans la honte, il apprendra la culpabilité. S’il vit dans la tolérance, il apprendra la patience. Si on lui prodigue des encouragements, il apprendra la confiance. S’il reçoit des félicitations, il apprendra à apprécier. S’il vit dans l’équité, il apprendra la justice. S’il vit dans l’acceptation et l’amitié, il apprendra à trouver l’amour, où qu’il soit.


Il nous faut ralentir et accorder du temps à nos enfants, participer à leur vie d’écoliers, leur lire des histoires, être présents pour eux, pour les enfants des voisins, pour nos neveux, nos nièces, les enfants des gens qui nous entourent. Souvent, nous croyons être trop occupés : nous devons faire de l’argent, acheter une autre voiture… La pression sociale nous persuade qu’il faut travailler plus, produire plus. Ne succombez pas à cette pression. Pas aux dépens de vos enfants. Si vous n’avez pas d’enfants, vous pouvez adopter une famille de réfugiés, nouer des liens avec les enfants du voisinage. Prenez le temps de jouer avec eux ; ils peuvent vous aider à toucher votre esprit d’enfant.


© Olivier Adam

Le dernier principe est l’amour bienveillant, metta. Vous savez que méditer est parfois difficile : constamment, nous devons revenir au corps, à la respiration. Nous pouvons observer combien nous nous jugeons ; nous pouvons passer un temps fou à nous blâmer, à nous sermonner, à avoir honte, à désespérer de « ne pas y arriver ». Nous avons appris à contrôler nos enfants en les blâmant, en les jugeant. Que va-t-il se passer lorsque, plus vieux, ils commenceront à méditer ?


Les enseignants de nos enfants font la même chose. Le professeur d’art qui dit : « Tu ne sais pas dessiner, cela ne ressemble pas du tout à un cheval, à une maison… » Cela peut vous priver du plaisir de dessiner pour le reste de votre vie. Les enfants nous ramènent à cet amour, à cette attention. « Nous ne ferons peut-être pas de grandes choses dans cette vie, dit Mère Teresa, mais nous pouvons faire de petites choses avec un grand amour. » Ce qui importe, c’est l’esprit d’amour bienveillant, l’amour qui peut survivre à tout. Être parent, c’est se laisser émerveiller par tout l’amour, le désintéressement, le don de soi dont vous êtes capables lorsque vos enfants sont en difficulté. Vous vous découvrez des ressources inouïes pour les aider. Vous avez sûrement déjà entendu ces histoires d’une mère qui soulève une voiture pour sauver son enfant… La profondeur de cet amour nous relie à quelque chose qui est tellement plus grand que notre petite personne.


D’une certaine façon, c’est par ces enfants, cette génération qui nous suit, que cet amour peut nous être redonné. En étant parents, en aidant d’autres parents, en nous impliquant dans les écoles, cet amour est réveillé en nous. Chef Seattle[2] a dit : « Enseignez à vos enfants que la Terre est notre mère. Tout ce qui arrive à la terre arrive aux enfants de la Terre. »


Le Bouddha enseigne que nous ne pourrons jamais rendre à nos parents tout ce qu’ils nous ont donné. « Même si vous deviez les transporter sur votre dos », c’est l’image qu’il a utilisée. « La façon dont nous pouvons honorer notre dette envers nos parents, dit le Bouddha, et envers toutes les générations, c’est en leur apportant le Dharma. » En d’autres mots, en leur offrant attention, respect, amour bienveillant, intégrité. Ne croyez pas qu’il nous faille plus d’argent ou de temps pour ce faire. Nous pouvons croire que c’est la loi de la jungle qui règne, que nous risquons à tout moment de nous faire dévorer ; mais, comme dit mon maître Ghosananda, nous pouvons aussi voir ce monde comme un lieu où on se nourrit les uns les autres. Lorsqu’on voyage dans les pays en développement, en Asie, en Amérique latine ou en Afrique, dans les villages, dans les cultures traditionnelles encore intactes, on est surpris de voir à quel point les enfants sont heureux, et que tous les adultes, pas seulement leurs parents, prennent soin d’eux. La vie y est difficile, mais les enfants vous sourient. Ce sont les enfants les plus heureux du monde, car ils reçoivent énormément d’amour et d’attention. Rappelez-vous ces émotions que vous ressentiez à trois, sept, treize ans, quand vous aviez faim, quand vous aviez peur, quand vous étiez perdus, quand vous aviez froid… Tout ce que vous vouliez, c’est que quelqu’un voie vos difficultés, et vous dise que tout ira bien. Lorsque nous portons attention à la prochaine génération d’êtres humains, nous recevons cet immense cadeau de la générosité. Nous redonnons ce cadeau à la terre – ce respect, ce cœur libre qui sont notre vraie nature. Nous avons la capacité de nourrir tous les enfants qui ont faim. Vraiment. Nous avons la capacité de vêtir tous les enfants qui ont froid. En quelque sorte, chaque enfant qui naît est un bouddha qui attend qu’on le respecte, qu’on s’occupe de lui ou d’elle. C’est si naturel.


Asseyons-nous un moment. Chacun à votre façon, rappelez-vous cette incroyable expérience d’être un enfant dans ce monde humain. Rappelez-vous vos espoirs. Rappelez-vous la beauté qui était là, née en vous, toujours en vous.


Que l’enfant en nous, que tous les enfants dont nous croiserons la route, que tous les enfants de la terre soient bénis par notre bienveillance et nos gestes de sagesse et de bonté.


[1] Publié de 1976 à 2011, ce magazine de la vie familiale naturelle était diffusé à 100 000 exemplaires. [2] Chef amérindien du XIXe siècle.



Cet article est paru dans Sagesses Bouddhistes n°26 (Été 2023)

Traduction Sylvie Gautier

 

© Olivier Adam

Jack Kornfield, néen 1945, est titulaire d’un doctorat de psychologie clinique de l’université de Dartmouth, fondateur de l’Insight Meditation Society et du centre bouddhique de Spirit Rock en Californie où il enseigne et vit. Jack Kornfieldest considéré comme l’un des plus grands enseignants bouddhistes occidentaux.








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