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Photo du rédacteurSagesses Bouddhistes

La posture de zazen



Pratiquer zazen c’est prendre conscience que l’esprit et le corps ne sont pas séparés. Aussi pour calmer l’esprit rien de mieux que l’immobilité du corps.


Kodo Sawaki

Le contact avec la terre nous permet d’élever la colonne vertébrale

Zazen, c’est fondamentalement s’asseoir. C’est en premier ce contact avec la terre, avec le sol. La posture est construite avec trois points importants de contact avec le sol. L’appui des fesses sur le zafu (coussin de méditation) permet au bassin de basculer légèrement vers l’avant, pour que les genoux puissent prendre appui sur le sol. C’est entre ces trois points que le corps abandonne tout son poids à la terre.

Tant qu’on a des résistances à l’abandon de ce poids au sol, on ne peut pas élever la colonne vertébrale. On peut comprendre par analogie qu’en l’absence d’enracinement, une plante ne peut s’élever vers le ciel. Il est nécessaire de s’intérioriser sur ce poids qui s’enfonce dans le sol, et finalement libère les épaules, la nuque et la tête puis par voie de conséquence la respiration qui peut alors s’installer naturellement, tranquillement.


La respiration La respiration est un acte naturel, le plus naturel, que l’on peut observer : son rythme, son ampleur, sa fluidité, ses hésitations. Par cette simple observation on reprend naturellement la respiration du nouveau-né avec une expansion abdominale. L’amplitude de la respiration s’accroît, et en même temps l’amplitude du contact avec l’extérieur. Les sens sont libérés d’une recherche d’information, ils sont réception pure, sans intention.


Les épaules, les bras, les mains Les épaules sont relâchées, les bras, les avant-bras tombent naturellement, les poignets sont appuyés sur le haut des cuisses, la main gauche est posée dans la main droite, les doigts sont joints et les deux pouces se rejoignent à l’horizontale au-dessus des doigts.

Appuyées sur le bas du ventre les mains forment un ovale, un peu en dessous du nombril, là où se concentre l’énergie, point connu dans les arts martiaux, hara, kikai tanden. On y fait descendre sa conscience. Dans cet ovale des mains l’esprit peut reposer tranquille, abandonner toutes ses préoccupations.


La respiration du cerveau et du corps Alors physiquement le cerveau reprend sa respiration naturelle, qui n’est pas faite de pensées. Tout le corps devient respiration. L’air entre et sort, les pensées entrent et sortent, les contractions, les tensions passent et disparaissent. La respiration ce n’est que cette expérimentation : l’air entre et sort, l’extérieur entre, l’intérieur sort. Vaste mouvement, sans arrêt, inconscient, naturel. Tout respire, à des rythmes différents, adaptés à la nature de chacun, de l’humain, de l’animal, du minéral, du visible, de l’invisible.

Cette assise, immobile, silencieuse, vous fait entrer comme partie prenante dans cette respiration vaste de l’univers.


Mouvements et interconnections

Si on rentre légèrement le menton ça pousse les cervicales vers l’arrière, les oreilles tombent à l’aplomb des épaules, le nez à l’aplomb du nombril, et on peut pousser le ciel avec le dessus de la tête, et les genoux pressent sur le sol. On sent une poussée depuis le sol jusqu’au ciel qui traverse tout le corps. Les courbures de la colonne vertébrale reviennent à leur naturel avec souplesse, sans relâchement ni rigidité. Entre la terre et le ciel, le corps est tendu, tendu comme un arc prêt à décocher la flèche, mais tendu avec naturel. On prend alors à partir de ce point central autour du nombril toutes ses dimensions, dans toutes les directions. Il n’y a pas d’habitude, c’est une vigilance de chaque instant.


La tête

La position des yeux est très importante, le regard est baissé à 45° environ. Les yeux ne sont pas complètement fermés, pas complètement ouverts. Cela correspond au fait qu’on est seul face au mur mais au milieu des autres, avec eux. La lumière de l’extérieur peut entrer, mais pas trop, sans accaparer notre attention. L’immobilité des yeux posés simplement sans rien fixer influence la tranquillité de l’esprit, de la posture entière. Les joues sont détendues, le front est lisse, la langue s’étale dans la bouche, prend légèrement appui derrière les incisives supérieures, naturellement. Et on pousse le ciel avec le dessus de la tête. Tous ces points d’appui physiques ont une correspondance très intime avec notre attitude intérieure.


La pratique dans un dojo, avec les autres

Quand on arrive au dojo on quitte symboliquement ou réellement les habits civils, on range les chaussures ensemble le long de la porte. Il faut penser à mettre les portables sur le mode silencieux. On entre dans le dojo, débarrassé de toutes ses étiquettes, sociales, professionnelles, familiales, et tous ces petits gestes nous accompagnent vers le lâcher-prise.

Quand on choisit sa place dans le dojo, on s’efforce d’occuper tout le dojo, quelle que soit sa taille, même si on n’est que deux. Zazen, c’est s’harmoniser avec le groupe, c’est prendre soin des autres, les accompagner et ne pas en laisser un, seul dans un coin. On doit être ensemble. S’il y a des conditions particulières (pratique sur une chaise, un tabouret ou autre aménagement…), ça ne doit pas isoler, mettre à part, mais aussi ne pas créer de gêne pour le groupe. On peut trouver comment s’insérer harmonieusement sans casser l’espace.

On a aussi l’occasion que quelqu’un d’expérimenté puisse venir proposer une correction de votre posture quand il y a visiblement une difficulté. Cela se fait avec à la fois légèreté et fermeté. On laisse alors le corps comprendre ce qui se passe et puis s’il ne tient pas la correction ce n’est pas grave. Il a enregistré dans quelle direction aller. C’est une direction, parce que chacun a ses particularités physiques, avec des ajustements qui sont possibles, d’autres qui ne le sont pas. Et puis peut-être dans cet instant vous êtes plus particulièrement fatigué, préoccupé, c’est juste une correction dans l’instant, une information pour le corps aujourd’hui.

Aussi ne vous croyez pas limité par des possibilités physiques, émotionnelles, intellectuelles, de toutes sortes… La fonction pour chacun des limitations auxquelles il est confronté, c’est de pouvoir les dépasser, et cela naturellement, en son temps.


Zazen est satori

À partir de cette respiration tranquille, consciente, nous sommes dans la vie naturelle, authentique.

Zazen ne fait pas de nous des gens extraordinaires, mais les gens ordinaires les plus authentiques qui soient. En zazen on occupe sa juste place dans l’ordre du monde.

Satori, pas satori ? Inutile de chercher, inutile de fuir. Zazen est satori, ce moment où tout est oublié, ce moment où il ne reste que la respiration. Elle nous relie à tout ce qui vit autour de nous jusqu’aux confins de l’univers, où même les étoiles pulsent comme sur une respiration, à leur rythme. Il n’y a pas un état particulier à atteindre, simplement être là dans cette respiration juste et tranquille.

Cette méditation du zen est une méditation sans objet. Il n’y a rien pour distraire l’esprit, ce qui fait que le fondamental c’est la posture, le corps, la présence. Cela requiert toute notre concentration et notre attention, et puis notre abandon à l’instant.

On revient à l’origine.


Kin Hin, la marche

Entre deux zazen kin hin permet de remettre le corps en mouvement sans quitter pour autant la concentration. La posture de kin hin est construite comme celle de zazen, sur les verticales et les horizontales : verticales de la colonne vertébrale, de la ligne du nez, de la jambe avant qui est tendue, horizontales du bassin, des épaules, de la ligne des yeux et des avant-bras d’un coude à l’autre. Les deux mains se rencontrent à la croisée. Elles ne doivent pas être trop basses, elles sont vraiment à l’appui de la base du sternum. Elles sont en lien profond avec la respiration : au fur et à mesure que l’expiration descend dans le sol, que les poumons se vident, la pression des mains s’accentue l’une contre l’autre et contre la base du sternum. À l’inspir on relâche tout et on avance l’autre pied.

Les pieds ne sont pas trop éloignés, pour qu’on puisse garder les deux talons au sol jusqu’au moment où on avance le pied arrière alors qu’il n’y a plus aucun poids sur lui. Ce qui fait qu’à cet instant, peut-être ce moment subtil de l’apnée avant qu’on inspire, le pied arrière se projette en avant d’un seul coup. Souvenez- vous des bébés qu’on voit commencer à marcher, on a oublié. Kin hin c’est difficile, plus qu’on ne le croit généralement, il faut du temps pour le sentir. C’est avancer sans arrêt, accepter ce déséquilibre pour se projeter vers l’inconnu d’un nouvel équilibre à dépasser à son tour.

On n’est pas trop cambré, le bassin est légèrement poussé vers l’avant de sorte que le nez à l’aplomb du nombril est aussi à l’aplomb du pied qui est en avant. Alors on peut pousser le sol avec le pied et pousser le ciel avec le dessus de la tête. La colonne vertébrale est alignée, le menton légèrement rentré, les épaules souplement tirées vers l’arrière, la cage thoracique est ouverte largement et naturellement.

Kin hin est rythmé par la respiration de chacun. Si elle est rapide on fait de tout petits pas, si elle est plus lente on fait des pas plus grands pour que la colonne avance harmonieusement sans heurt.

Un coup de cloche et on retourne les mains à plat sur le sternum, pour regagner sa place en suivant les autres d’un pas assuré.

On reprend la posture de zazen.



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Deux textes de référence pour approfondir la posture :

Fukanzazengi de Dôgen

Komyozozanmai d’Ejo, son proche disciple et successeur

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Cet article est paru dans Sagesses Bouddhistes n°21 (Printemps 2022)


 

Françoise Lesage pratique le zen depuis 1978. Elle l’enseigne lors de sesshin (retraites) à Paris, Berlin et au temple de la Gendronnière, le principal temple du zen Soto en Europe. Françoise Lesage a vécu son engagement dans la voie du zen en même temps que sa vie familiale et sociale ordinaire, partageant les conditions contemporaines de tout un chacun.



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