Par Pema Chödrön
Repensez à la fois où on vous a interrompu lorsque vous étiez en train de parler. Commencez par une irritation modérée. En travaillant avec les « émotions légères », vous construisez votre force, exactement comme si vous faisiez de la musculation au club de sport. Vous commencez là où vous êtes, vous vous entraînez et votre force s’accroît. Donc, en vous servant d’émotions légères (l’irritation ou l’anxiété modérée), vous renforcez votre capacité à travailler sur des émotions réellement difficiles à vivre.
Asseyez-vous pendant une minute et trouvez un souvenir pénible dont vous pourrez vous servir pour cet exercice. Peut-être est-ce le souvenir d’avoir été critiqué. Parfois, les gens font appel à un souvenir et parfois, ils ont recours à l’image de quelque chose qui le provoque.
Ensuite, trouvez une émotion agréable. Retrouvez un souvenir ou une image qui évoque une émotion agréable, comme un moment où on vous a fait des éloges. L’espace d’un instant, pensez-y. Évoquez un souvenir ou une image qui vous laisse une impression positive.
En ayant à l’esprit une émotion pénible et une émotion agréable, commencez votre séance de méditation.
Concentrez-vous sur votre respiration, de sorte qu’elle vous serve de support. Laissez votre respiration être votre amie pour vous exercer à être présent. Si votre esprit vagabonde, ce qui est généralement le cas, revenez simplement à votre respiration. Continuez ainsi pendant une courte période, peut-être cinq minutes, puis reposez dans la conscience et l’ouverture d’esprit.
Rappelez-vous que n’importe quoi peut survenir dans l’espace et être un objet ou un support d’entraînement. À présent, créez mentalement une image ou appuyez-vous sur un souvenir, et amenez à votre conscience l’émotion désagréable, puis fixez votre attention sur cette émotion. Voyez si vous parvenez à vous mettre en osmose avec la texture de la sensation. Si quelqu’un vous demandait de décrire la sensation de l’émotion, comment le feriez-vous ? Placez toute votre attention sur l’émotion elle-même, telle qu’elle est.
Certaines personnes trouvent utile de prendre la température de l’émotion, d’en toucher la texture ou de définir l’endroit du corps où elle se situe. Pour certains, c’est très facile ; pour d’autres, c’est assez difficile. Continuez pendant une courte période, puis à nouveau, reposez dans la conscience et l’ouverture d’esprit.
Si à un moment donné votre esprit vagabonde, ramenez-le doucement, sans faire intervenir les étiquettes du « bien » et du « mal ». Nos émotions nous entraînent souvent dans un scénario ou un écheveau de pensées. Lorsque les pensées surgissent, prenez-en note, puis revenez à la sensation de l’émotion. Là, dans l’immédiateté de l’émotion, dans son ressenti, réside la possibilité d’entrer dans l’ouverture et l’acceptation. Vous découvrirez que c’est une source de libération et, en fin de compte, cela apporte une certaine sérénité.
Je vous encourage à vous montrer curieux vis-à-vis de vos émotions et à vous autoriser à y pénétrer pour pouvoir éprouver cette ouverture. C’est ainsi que le cœur s’ouvre. C’est ainsi que la compassion se manifeste – la compassion pour soi-même et pour les autres.
Ensuite, répétez le même exercice, cette fois en évoquant une émotion agréable.
Cet article est paru dans Sagesses Bouddhistes n°2 (Printemps 2017)
Pema Chödrön est nonne et enseignante dans la tradition bouddhiste de Shambhala. Son principal maître fut Chögyam Trungpa, qu’elle rencontra en 1972, et auprès de qui elle étudia jusqu’à sa mort en 1987. Auteur de nombreux ouvrages, elle réside au monastère de Gampo Abbey sur l’île du Cap-Breton au Canada.