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Conseils au méditant

Par lama Jigmé Rinpoché

Suivi d'un poème de Guendune Rinpoché


Ici, Jigmé Rinpoché donne des conseils sur l’état d’esprit de la méditation plutôt que sur la méthode elle-même.


La méditation est le fondement de la découverte de soi-même. Méditer en tibétain se dit Gom, qui signifie « se familiariser », ce qui ne veut pas dire créer quelque chose d’artificiel ou travailler avec son imagination, mais au contraire s’établir dans un état naturel où les qualités sont présentes, sans rien changer, en demeurant tel quel.

Dans cet état, on ne porte aucun jugement sur ce qui se manifeste ; on demeure simplement présent. C’est un état naturel, mais délicat à retrouver et dans lequel il n’est pas facile de demeurer car pensées et concepts s’élèvent sans cesse. Il faut se rendre compte que l’idée qui émerge dans l’esprit est un mouvement naturel de l’esprit ; mais si l’on crée artificiellement cette idée, on s’éloigne de cet état naturel de détente.


C’est une chose à laquelle il faut veiller, sans empêcher les pensées d’émerger, car cette émergence n’est pas en soi négative ; le tout est de prendre conscience de ce mouvement. On essaie de s’ouvrir à la nature de son esprit, sans porter de jugement. Quand apparaît une pensée ou dès qu’il y a le moindre changement dans l’esprit, on considère cela comme un mouvement naturel, sans juger : on prend simplement conscience du mécanisme qui se produit.


Plus on prend conscience de l’idée et du concept élaboré à partir de l’idée, plus on a conscience de ce mécanisme, et plus on peut aller en profondeur afin de connaître véritablement tous les mécanismes de l’esprit. Quels que soient les noms donnés aux différents types de méditation, ils permettent d’établir un état de calme dans lequel l’esprit est clair, lucide et apaisé.


On s’aperçoit qu’une très forte « énergie » est présente dans cet état, qui diffère de l’état de calme ordinaire. Un état ordinaire de calme et de détente nous conduit plutôt à la torpeur et au sommeil, ou nous emporte dans des rêveries. Là, il s’agit d’un état de calme qui est véritablement le calme de la présence.


Ce n’est pas quelque chose que l’on crée, le potentiel est déjà là et on le retrouve de façon naturelle ; on le laisse émerger et on en prend conscience. Le fait de s’établir dans un état de calme permet également de percevoir l’activité ordinairement relative de l’esprit : nous nous comportons de façon inappropriée, en détournant les qualités présentes en notre esprit. Lorsque nous méditons et que nous sommes véritablement ouverts et apaisés, nous pouvons nous rendre compte des qualités présentes en nous et de cette énergie dont nous parlions précédemment.


On voit aussi comment cette énergie est en fait totalement ligotée et transformée par le désir et l’attachement, par l’idée qu’on a de soi-même, par les émotions perturbatrices, par la séparation qu’on établit entre soi et autrui.

Trop souvent, lorsque nous entreprenons quelque chose, nous en attendons un résultat ; or, le simple fait d’attendre ce résultat alimente encore davantage le flot des pensées. Dans la méditation, il s’agit de s’établir dans un état naturel sans attendre quoi que ce soit.


Il ne faut pas non plus qu’il y ait de doutes quant à ce que l’on entreprend. Ne pas avoir de doutes signifie ne pas porter de jugement sur ce que l’on fait – ne pas chercher à savoir si l’on est en train de bien faire ou de mal faire, etc. – et demeurer dans un état entièrement naturel. Dès lors, l’esprit s’apaise et s’éclaircit de lui-même, sans qu’il n’y ait rien à faire.

Nous avons des idées sur tout, même sur la méditation. Si tel est le cas, nous risquons de tomber dans l’extrême qui consiste à porter un jugement et à vouloir corriger ce que nous sommes en train de faire. Et, au lieu de nous ouvrir à un état naturel, nous créons quelque chose d’artificiel.

La méditation doit naître naturellement sans que nous portions de jugement, sans que nous attendions quoi que ce soit. Tout doit être accepté, tout doit être équilibré ; on demeure parfaitement équanime vis-à-vis de tout ce qui se passe, développant simplement la conscience, instant par instant, de ce qui se manifeste dans l’esprit. Voilà ce qu’on nomme Gom en tibétain, ou la méditation. Il ne faut pas non plus se figer ou se bloquer sur quoi que ce soit. Si l’on attache un chien à un poteau, infailliblement le chien voudra s’en aller, car il est attaché.


Si l’on force l’esprit à demeurer stable, en le ligotant et le maintenant à toute force dans cet état de stabilité, il voudra partir à droite et à gauche, ce qui créera des tensions. Si, par contre, on n’oblige pas le chien ou l’esprit à rester là, aucun problème ne se pose : l’esprit n’a plus tendance à fuir quelque chose qu’on veut lui imposer.

Tout se passe de façon détendue, et l’esprit s’établit dans son état naturel sans aucune tension. Il faut donc être très attentif à ne pas s’enfermer dans des contraintes. Au niveau du corps, de la parole et de l’esprit, tout doit se faire dans une très grande détente.


 



Laisse cet esprit qui est le tien, dans un état détendu, non artificiel. En cet état, voyant la pensée et son mouvement, reste dessus, détendu. En cet état, va poindre la stabilité. Pas d’attachement à la stabilité, Pas de peur du mouvement. Connaissant qu’il n’est pas de différence

entre stabilité et mouvement, l’esprit s’élevant de l’esprit. En cet état, sans saisie, sans attachement,

repose, détendu, tel quel. En cet état, la réalité en elle-même, l’essence de ton propre esprit, sagesse, vacuité radieuse, va s’élever, et tu n’auras pas de mots... En cet état, un calme naturel viendra ; sans tenir la stabilité pour quelque chose, Tel quel, naturel et libre ; sans saisir ni rejeter les productions mentales, s’il te plaît, reste... LÀ.




Cet article est paru dans Sagesses Bouddhistes n°24 (Hiver 2022/23)

 

©Tokpa Korlo

Lama Jigmé Rinpoché est un maître de la lignée Kagyupa du bouddhisme tibétain. Il est le directeur spirituel du centre Dhagpo Kagyu Ling en Dordogne. Depuis trente ans, lama Jigmé Rinpoché rencontre des personnes issues de disciplines, de cultures et d’horizons différents, ce qui lui a permis d’acquérir une profonde connaissance des Occidentaux.



 

Guendune Rinpoché (1918-1997) a passé plus de trente ans en retraite. Il a été envoyé en Occident par le XVIe Karmapa pour développer Dhagpo Kagyu Ling (Dordogne), créer et diriger des centres de retraite et des ermitages monastiques et laïcs, afin de rendre le Dharma accessible à tous.

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