Peinture de Nitya Brighenti. Le Pic du Vautour. Huile sur canevas, 30×48 pouces.
Seize ans après son illumination, c’est devant une assemblée de 5 000 moines, nonnes et laïcs ainsi que d’innombrables bodhisattvas, que le Bouddha enseigna la Perfection transcendante de Sagesse (Prajna Paramita) à Rajagriha, au Pic du Vautour. Cet enseignement est centré sur la compréhension du sens de la vacuité, sunyata, qui est la nature ultime des phénomènes.
« L’inspiration au départ de cette peinture est la lecture des 8 000 versets de la Prajnaparamita traduits par Edward Conze. Mon inspiration est plus enracinée dans l’imagination, presque à une échelle géographique, comme dans un décor cosmique. Les détails des différents moines prosternés ou simplement assis renforcent la transcendance suggérée par le texte sacré : le Samsara est le Nirvana. Le Bouddha est un agglomérat de lumière et la montagne du côté droit est dessinée avec beaucoup de têtes de Samantabhadra et d’autres bouddhas historiques », Nitya Brighenti, août 2019.
Lorsque le bouddhisme enseigne que la vacuité est la nature ultime des choses, il veut dire que les phénomènes et les fonctions qu’ils remplissent sont dénués d’existence autonome et permanente. La vacuité n’est donc pas une sorte d’entité indépendante. C’est le mode d’être des choses tel qu’il est révélé par l’analyse. C’est pourquoi le Bouddha prend la précaution de parler de « vacuité de la vacuité ». En effet, les concepts d’existence et de non-existence n’ont de sens que l’un par rapport à l’autre. Si on ne peut pas parler d’existence réelle, parler de non-existence devient absurde. Le Traité fondamental de la perfection de la sagesse dit :
« Les vainqueurs ont prêché la vacuité pour extirper à jamais toutes les opinions.
Ceux qui ont la vacuité pour opinion ne pourront la réaliser, disent-ils. »1
Ou encore :
« Ceux qui s’attachent à la vacuité sont dit incurables. »
Pourquoi incurables ? Parce que la méditation sur la vacuité est le remède qui permet de se libérer des concepts erronés sur la nature des choses, de l’attachement à une réalité solide. Or si ce remède devient lui-même une source d’attachement à une vacuité, il n’y a plus de cure possible.
Les débuts de l’histoire de l’art bouddhique sont au cœur de cette question de la Vérité portée par la forme. À ses débuts, l’art bouddhique est un art aniconique qui ne représente pas le Bouddha lui-même, même si toutes les autres figures, comme celles des disciples, sont représentées. Mais pas le Bouddha. Parce qu’il représente l’Éveil, il n’est pas logique de lui donner une apparence, une forme dans le monde des phénomènes duquel il s’est complètement libéré. L’art aniconique des débuts suit cette logique et utilise soit un symbole, soit un espace vide dans un contexte qui permettra de comprendre le moment de la vie du Bouddha qui est représenté.
C’est au début de l’ère chrétienne, dans le nord et le nord-ouest de l’Inde, que deux écoles de sculpture, l’école gréco-bouddhique du Gandhara et celle de Mathura (un peu au sud de Delhi), produiront les premières images anthropomorphes du Bouddha et des aspects de l’Éveil.
Pour en savoir plus :
Cet article est paru dans Sagesses Bouddhistes n°11 (Automne 2019)