Par la vénérable Robina
Vous savez, il y a sur cette planète beaucoup d’idées reçues sur la méditation, c’est comme ça. L’une d’entre elles est que la méditation serait une alternative aux pilules. Cela signifie que lorsque les choses deviendront vraiment désespérées entre Gaston et moi, j’en arriverai à me dire que je ferais mieux d’aller méditer ou d’acheter une pilule, l’un ou l’autre, peu importe. Donc quand la situation est désespérée, nous pensons que nous devrions méditer. Inversement, si Gaston et moi sommes toujours amoureux, tout est merveilleux. « Oh, tu devrais apprendre à méditer, Robina. » « Qu’est-ce que tu racontes Gaston ? On est heureux », se dira-t-on. Il y a donc ce postulat très profond : nous méditons seulement quand les émotions nous submergent à devenir cinglés, ce qui est complètement insensé. Absolument insensé.
L’autre idée reçue est que la méditation est une alternative à la relaxation. Ça n’a rien à voir avec la relaxation. Il existe de merveilleuses techniques de relaxation, apprenez-les. Nous en avons grand besoin. Mais la méditation est une technique de concentration qui demande un travail rigoureux, exigeant, avec d’importants efforts et une grande précision pour ne pas se disperser. En un mot, c’est à l’opposé de la relaxation. Nous essayons d’obtenir une concentration digne d’un laser, ce qui est à l’opposé de ce que nous faisons en temps normal. Ainsi, aller à contre-courant de cette tendance au confort et de cette inertie de l’esprit qui s’emballe demande un effort énorme. Demandez à quiconque s’est entraîné pendant des années à la méditation de la concentration, il vous le confirmera. Il ne s’agit pas d’une technique de relaxation. Ce n’est pas une alternative à une pilule. Ce n’est pas ce que vous faites uniquement lorsque les choses vont mal. Le premier niveau de méditation, la concentration, n’est de toute façon qu’un stade préliminaire. Il s’agit d’apprendre à focaliser l’esprit afin de pouvoir sortir de sa tête au quotidien pour observer ce qui se passe à l’intérieur. C’est son principal avantage au jour le jour. Le bénéfice à long terme est bien sûr d’obtenir ce niveau profond et subtil de concentration-laser au-delà du conceptuel, au-delà du sensoriel. C’est l’objectif à long terme. La plupart d’entre nous n’atteindront pas ce niveau. Il faut abandonner le sexe, la drogue, le rock and roll et se rendre dans les montagnes pour y parvenir. Nous pouvons l’appliquer dans la vie quotidienne pour commencer à percevoir, à introduire cette qualité dans notre vie quotidienne pour être conscients, pas seulement du monde extérieur, mais de ce qui se passe à l’intérieur. C’est le bénéfice de tous les jours. Et le but est de commencer à découvrir le désordre qu’il y a là-dedans. Nous savons déjà qu’il y a du désordre – tout comme il y a de bonnes choses, ne vous inquiétez pas pour ça. Mais le travail consiste à se familiariser avec tout cela. Nous devons donc nous y plonger profondément. Une de mes amies est thérapeute en Irlande. Elle dit que c’est comme mettre les mains dans sa propre merde. Je préfère dire que c’est comme manger son propre vomi. Dans tous les cas, c’est vrai, je vous le dis. Vous devez donc avoir la volonté de le faire.
Une autre idée reçue est que vous pensez qu’il s’agit de faire disparaître toutes les pensées. C’est tout simplement naïf et absurde. C’est le contraire. Dans les textes, on parle de l’un des signes de réussite dans le développement de cette concentration de shiné (en tibétain), shamatha (en sanskrit). Neuf étapes sont à cultiver, ce qui peut prendre plusieurs années même pour une personne qui elle-même pratique très sérieusement. On dit que l’un des signes de réussite à la première étape sur les neuf est que vous pensez que votre esprit va de plus en plus mal. En fait, c’est comme si vous alliez à la salle de sport pour la première fois. Vous rentrez chez vous avec des muscles dont vous n’aviez jamais entendu parler auparavant. C’est tellement douloureux que vous n’arrivez pas à y croire. Mais on sait que c’est un bon signe, n’est-ce pas ? C’est la même chose ici.
« Si vous pensez que la méditation consiste à faire disparaître toutes vos pensées et si vous pensez que c’est juste une technique de relaxation, vous allez avoir des problèmes. »
Vous savez, c’est même arrivé à l’un de mes amis, un méditant qui est resté plus de trente ans dans les montagnes. Vous savez, il a fait des vraies retraites de trois ou quatre ans, etc., etc., etc. À un moment donné, il y a environ vingt-cinq ans, il m’a dit qu’il était plein de rage et d’arrogance. Il pensait qu’il devenait fou. Il était vraiment en détresse. Après des années de retraite ! Alors il est allé voir lama Zopa, qui a ri, ri, et ri encore. Fantastique. La saleté devait sortir. Je le répète : la saleté devait sortir. Lorsqu’on comprendra ça, on se réjouira de se confronter à de nouveaux niveaux de notre esprit plein de saleté, voyez-vous ? Parce que quand vous identifiez le problème, alors vous trouvez la solution. Si on ne peut pas identifier le problème, on devient juste coupable et névrosé en voyant notre propre esprit, on ne cherche même pas à être capable de le voir en face. Donc on doit être content de trouver le prochain niveau de non-sens. Et ce non-sens est incroyablement subtil. N’économisez pas votre souffle, vous avez l’enthousiasme pour faire ce travail. Et puis, lorsqu’on est sur la voie du bodhisattva, on a tellement envie de jeter tous les déchets. Vous êtes capable de recourir aux pires scénarios, comme celui d’un de mes amis en prison. Vous savez, il y a tout un niveau de pratique appelé « transformer les problèmes en bonheur ». Vous accueillez les problèmes comme un défi. C’est un niveau extraordinaire où vous êtes heureux pour le prochain niveau de défi à venir. Cela fait apparaître le niveau suivant de votre propre esprit-poubelle pour que vous puissiez y travailler. Et vous en débarrasser. La saleté doit sortir. Cela demande du courage. Donc si vous pensez que la méditation consiste à faire disparaître toutes vos pensées et si vous pensez que c’est juste une technique de relaxation, vous allez avoir des problèmes. Vous ne serez pas heureux, je vous le promets. Vous allez retourner au sexe, à la drogue et au rock and roll. Et ce serait préférable, je vous l’assure, vous obtiendrez plus de plaisir. Donc nous devons avoir ce courage parce que ces pensées, ces illusions sont anciennes, très anciennes. Nous devons être heureux de vouloir les découvrir. Comme un faucon, chaque jour, ravi de rencontrer le prochain niveau de colère, le prochain niveau d’attachement, le prochain niveau de jalousie. Et si vous êtes heureux, c’est parce que vous savez que ces choses ne vous définissent pas. Elles ne sont pas au cœur de votre être. C’est accessoire, comme le dit le Bouddha. Ça ne fait pas partie intégrante de qui nous sommes. C’est ce qui nous donne du courage. Nous sommes heureux de voir notre esprit. C’est vraiment à ce moment-là que le changement s’opère dans notre pratique, au lieu de la culpabilité et de la honte, et de s’en vouloir et de souhaiter que tout disparaisse. La culpabilité, la honte, le rejet apportent juste plus de déception ; ce sont des attachements.
Cet article est paru dans Sagesses Bouddhistes n°20 (Hiver 2021/22)
Robina Courtin est née en Australie. Elle est nonne dans le bouddhisme tibétain Gelugpa, de la tradition et la lignée de lama Thubten Yeshé et lama Zopa Rinpoché. Le site de la vénérable Robina Courtin offre une série de podcasts en anglais qui tissent une mosaïque de commentaires bouddhistes modernes tout en éclairant cette tradition spirituelle millénaire avec humour, esprit et intensité. Une occasion de réfléchir à certaines des questions les plus profondes de la vie.