Par par Thich Nhât Hanh | Enseignement donné le 24 novembre 2013
Le Bouddha est mon premier amour Le Bouddha est l’amour tout neuf Je n’aurai jamais besoin d’un dernier amour Le Bouddha est la rivière spirituelle Coulant depuis des générations Et pourtant toujours nouvelle
LE BUT DE LA PRATIQUE
Le but premier de la pratique est de générer la paix, la joie et le bonheur et le second but est de maîtriser notre souffrance et d’en prendre soin. Nous devons nous entraîner à faire ces deux choses. Générer la paix et le bonheur signifie que si ces deux éléments ne sont pas présents, nous devons les amener à la vie, à la manière du fermier qui fait pousser le grain de blé. Si vous voulez produire la paix, la joie et le bonheur, vous devez connaître la source des énergies de Pleine Conscience, de Concentration et de Vision profonde. En balayant, vous faites en sorte de le faire avec pleine conscience, concentration et vision profonde. En vous brossant les dents, vous faites en sorte de le faire avec pleine conscience, concentration et vision profonde. Quand nous avons ces trois sortes d’énergies, nous avons aussi la pleine conscience, la concentration et la vision profonde.
Le second but de notre pratique est de maîtriser la souffrance, le stress et les obstacles. Pour gérer la souffrance, nous devons la reconnaître, l’embrasser et regarder profondément en elle pour la transformer. Pour cela, nous avons aussi besoin des trois énergies de pleine conscience, concentration et vision profonde. On pourrait dire que ces trois énergies sont la source du bonheur.
LE BONHEUR EST LE CHEMIN
Quand nous étudions les Quatre Nobles Vérités, nous avons l’idée d’un but et d’un chemin qui mène à ce but. La première noble vérité, c’est celle de la souffrance.
La seconde, celle des causes de la souffrance, celle des modes de vie qui provoquent la souffrance. Il y a une façon de vivre sans attention, sans pleine conscience, sans concentration, sans vision profonde qui mène à la souffrance. C’est le chemin qui mène à la souffrance.
La troisième noble vérité, c’est la fin de la souffrance, l’absence de souffrance, la transformation de la souffrance. La troisième noble vérité, c’est celle du bonheur et de la paix.
Et la quatrième vérité, c’est celle du chemin qui mène au bonheur. Dire que les Quatre Nobles Vérités ne parlent que de souffrance est une erreur. Les deux premières concernent la souffrance et les deux dernières, le bonheur. Au Village des Pruniers, au lieu de parler du chemin qui mène à la souffrance ou au bonheur, nous parlons du chemin de la souffrance ou du chemin du bonheur.
En effet, l’expression « chemin qui mène à » reflète une approche dualiste des choses. Nous imaginons un chemin très long, très difficile et nous pensons que le bonheur et la paix se trouvent tout au bout de ce chemin. Ainsi nous pensons que tant que nous sommes sur le chemin, nous ne pouvons pas être heureux, nous pensons que nous devons attendre d’être au bout du chemin pour trouver le bonheur. Le chemin est alors le moyen et le bonheur, le but.
La réalité, c’est que le chemin est le bonheur lui-même. Le Noble Octuple Sentier n’est pas un chemin d’épreuves, de souffrances et de mortifications. C’est le chemin sur lequel nous pouvons trouver le bonheur à chaque pas que nous faisons. Le bonheur est le chemin, il n’y a pas de chemin qui mène au bonheur. C’est l’enseignement du Village des Pruniers. S’il nous faut souffrir et nous battre pour être heureux, ce n’est pas le bon chemin. Sur le chemin du bonheur, chaque pas devrait être heureux. La fin et les moyens sont une seule et unique chose.
Il n’y a pas de chemin qui mène au Nirvana, le Nirvana est le chemin. Le Nirvana, c’est l’essence de la non-naissance et de la non-mort, du non-être et du non-non-être. Une fois que nous avons reconnu la nature de non-naissance, de non-mort, de non-être et de non-non-être de la réalité, nous n’avons plus peur. Chaque pas sur le chemin peut être fait avec cette conscience que la réalité a la nature de non-naissance et de non-mort. La paix, le bonheur et le Nirvana sont dans chaque pas que vous faites et pas seulement au bout du chemin. Au Village des Pruniers, nous disons :
La vérité du chemin, c’est la vérité du chemin de la fin de la souffrance. Les causes de la souffrance, c’est la souffrance.
Au Village des Pruniers, nous parlons du chemin du bonheur. C’est le Noble Octuple Sentier, le chemin du bonheur. Ce n’est pas une voie qui mène au bonheur dans le futur, c’est le chemin du bonheur ici et maintenant, à chaque pas. Le secret du bonheur est très simple : grâce à la pleine conscience, nous pouvons concentrer notre esprit et, grâce à notre concentration, nous pouvons voir et comprendre les choses profondément. Et quand nous reconnaissons la nature impermanente de tout ce qui est, nous chérissons notre corps, notre environnement et les conditions de bonheur qui sont déjà nôtres.
Lorsque nous pratiquons la marche méditative, chaque pas produit du bonheur et chaque pas nous nourrit. Le principe du Village des Pruniers, c’est que chaque occasion de déplacement est une occasion pour pratiquer la marche méditative. Que nous allions dans la salle de bain, dans notre chambre ou dans la salle de méditation, nous avons le droit de marcher à la manière d’une personne libre, et de générer ainsi la joie et le bonheur. C’est notre privilège et cela signifie que le Nirvana, l’Éveil et la libération ne sont pas des buts à atteindre dans le futur, mais qu’ils sont déjà présents, ici et maintenant.
Cet article est paru dans Sagesses Bouddhistes n°5 (Hiver 2018)
Né en 1926 au Vietnam central, Thich Nhât Hanh devient moine à l’âge de 16 ans. Maître bouddhiste zen vietnamien, poète, jardinier, inlassable défenseur de la paix, il figure parmi les personnalités les plus engagées du bouddhisme dans le monde occidental. Thich Nhât Hanh a fondé en 1982 la communauté du Village des Pruniers, situé dans le sud-ouest de la France.